A PROPOS DE L’ARTISTE
S’il faut un début, on pourrait sûrement dire que mon travail a pris naissance dans le jardin de ma grand-mère à Reims, s’est développé dans l’Aisne et a été alimenté depuis deux ans par une résidence au sein du Jardin National de Belgique. Une sorte d’Herbier en mouvement a commencé à prendre forme. Le dessin et la photographie ne me suffisaient pas pour étudier le vivant et ses structures. Je m’y suis confrontée avec le plâtre. Mon geste est la tentative de capture du mouvement des végétaux sur nature, sans rien en modifier. La délicatesse et l’observation que cette expérience appelle sont fondamentales. Il s’agit en quelque sorte de disparaitre derrière le modèle, pour rendre compte de la façon dont il se développe et évolue naturellement dans l’espace. Avoir un autre point de vue : la lumière brute sur l’empreinte en négatif. Mettre en avant le geste des plantes. Décentrer l’Homme. Rendre hommage à l’ordre de l’Évolution sans quoi l’espèce humaine n’advient pas. J’ai privilégié des espèces à notre échelle ou qui nous dépassent, pour avoir un réel corps à corps voir de tout son corps.
Il s’agit aussi de chercher un autre rapport au temps, le ralentir un peu pour nous laisser le temps de voir. Plusieurs attitudes se mêlent au sein de ma pratique de la sculpture. D’une part l’étude du vivant avec les études sur nature (Gunnera, Ravenala, Sabal domingensis, Philodendron undulatum, Victoria cruziana etc). D’autre part, l’exercice de style né dans le jardin de ma grand-mère. Comment donner aux motifs récurrents de son jardin une continuité, donner à voir ces délicatesses qui disparaissent et réapparaissent au fil des saisons ? Mémoriser son activité jardinière et lui donner une forme qui se prolonge jusque dans notre quotidien. Tout est prétexte : miroirs, lampes, tables. Ma curiosité était de voir jusqu’où on peut pousser un même motif, tout ce qu’on peut lui faire faire simplement en le multipliant et en le déplaçant. (Mille feuilles, Pousse, variation IV etc)
Puis le travail de modelage et des émaux. L’argile est ma matière de prédilection. Je tente de travailler les émaux comme la surface des eaux, créer des miroirs d’eau et des lacs intérieurs.
Se transformer en, se mettre à la place de, parler avec un mollusque millénaire, remonter le temps à travers la pierre.
Je cherche à établir des correspondances entre le monde minéral, végétal et animal. Les sculptures présentées sont nées d’un dialogue et d’une écoute avec les matériaux. Je tente auprès de la nature de faire l’expérience de la liberté qu’elle nous offre à travers l’infini variation des formes, sans cesse renouvelées.
Marine Coutelas